Nadia

« C’est essentiel. »

Quand j’étais petite, le vendredi était un jour spécial. Nous n’avions qu’une demi-journée d’école avant la fin de semaine. C’est pour ça que nous préparions le couscous le vendredi. Nous le faisions vers midi et ensuite on pouvait le manger toute la journée. Ma mère le préparait chaque semaine. Plus je m’approchais de la maison, plus je pouvais sentir les ingrédients. Je les reconnaissais tous et je comprenais tout de suite que c’était ma mère qui cuisinait. C’était une odeur spéciale. Ce n’était pas la même que celle de ma grande sœur. Ma mère faisait quelque chose comme de la magie.

Dans la cuisine, je me plaçais tout près d’elle. Je regardais comment elle faisait. J’observais bien ce qu’elle ajoutait au couscous. C’est pour ça que je m’en souviens aujourd’hui. Elle commençait toujours par l’oignon et l’ail. Ensuite elle ajoutait les tomates, la viande, le sel et finalement un mélange d’épices algérien. Il s’appelle raz-el-hannout. Il y a plein de choses là-dedans. C’est ce qui est bon.

Il ne faut pas oublier de parler de l’huile. Ce n’est pas une huile normale. Ni l’huile d’olive de table. C’est l’huile arabe. Elle est traditionnelle. Il ne faut pas l’oublier. Elle donne un goût différent. Même pour la santé, elle est bonne. On peut la prendre quand on est malade et on ira mieux.

Il est aussi très important de ne pas oublier le har. Pour le couscous, on en ajoute trois. On les met entiers. C’est essentiel. Il y a des gens qui ne les aiment pas. Alors on peut les retirer du plat après. Mais pour ceux qui les aiment, ils seront là. Si on n’a pas de har, on peut le remplacer par la harissa. Je sais comment la faire. C’est simple parce que c’est le même ingrédient apprêté différemment. Pour la faire ici, il y a le robot. En Algérie on la faisait à la main, comme pour le café. Maintenant, ce n’est plus la peine.

Pour le couscous, on cuit tout ça jusqu’à la moitié et on ajoute ensuite les légumes. Il y a les carottes, les courgettes et parfois les citrouilles, si on veut. Moi, je les mets. Les légumes seront différents selon le pays. Par exemple, au Maroc, on met aussi le chou. Et le couscous de la Syrie n’est pas le couscous de l’Algérie.

Ensuite, on ajoute les pois chiches. Il existe deux sortes : ceux en conserve sont déjà cuits alors que les secs ont besoin de plus de temps de préparation. Avant, il n’y avait pas de conserves. Et de toute façon les vrais sont mieux.

Maintenant, le couscous. Il existe deux sortes : le blanc et le rouge. Le premier se prépare sans les tomates. C’est un repas officiel, pour les fêtes. Moi, je préfère le couscous rouge. Il est meilleur pour la santé parce qu’il se mange avec les légumes. Imagine le couscous sans légumes ! Moi, je n’aime pas.

La couscoussière est aussi très importante. Elle est composée de deux parties. On remplit d’eau celle d’en-dessous et de couscous celle d’au-dessus. C’est un peu comme pour le spaghetti. Quand la vapeur sort du couscous, on le transfère dans une grande casserole. Elle doit être très grande. On ajoute une pincée de sel et encore de l’eau parce que le couscous l’absorbe. On goûte. Si on trouve le couscous trop dur, on ajoute de l’eau jusqu’à ce que ce soit doux dans la bouche. Et un peu d’huile pour que rien ne colle. Il faut travailler avec les mains. C’est essentiel. C’est avec les mains qu’on peut sentir que rien n’est collé et que tout s’égrène bien. C’est un peu comme les cheveux mouillés ou secs : si on ne touche pas, on ne peut pas savoir.

La dernière étape est de tout mettre dans un grand plat. On place la viande au milieu et les légumes tout autour. Certains ajoutent du lait. Il se mélange au couscous et se réchauffe. Les enfants aiment ça parce que le goût devient sucré. Il y a une recette mais on peut faire comme on aime. C’est ce qui est bon.

C’est à cause de tout ça que le couscous prend beaucoup de temps à préparer. Mais ma mère aimait le faire et à présent moi aussi. C’est comme ça : les mères amènent les petites filles à la cuisine pour leur montrer comment cuisiner le couscous, les gâteaux, tout ça. Si les petites filles restent toujours loin de la cuisine, elles ne connaissent rien après. Les choses que l’on aime, il faut les pratiquer pour mieux les partager avec encore plus de personnes. C’est essentiel. Quand mes sœurs viennent chez moi et que ma mère nous manque, nous préparons le couscous. Maintenant, ma mère est morte. Mais, bien sûr, elle reste.